2019
23 février au 20 mai 2019
Ici on étire le temps
Commissaires: Robert Péloquin & Grégoire Ferland
Céline Gendron
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Céline Gendron est originaire de l’Estrie. Elle a fait un DEC en arts à Sherbrooke dans les années 70, puis un BAC en Arts visuels et médiatiques à l’Université du Québec à Montréal au début des années 2000, avec mention d’honneur. Elle a participé à des expositions solos et collectives et elle a reçu des mentions soulignant la qualité de son travail, dont le premier et le deuxième prix du jury du Festivart de Frelishburg et le deuxième prix du jury du Musée du Mont St-Hilaire. La Boutique du Musée des Beaux-Arts de Sherbrooke présente ses œuvres. Son travail fait partie de plusieurs collections privées et publiques au Canada, aux Etats-Unis et en Europe. Ses oeuvres figurent notamment dans des films, des téléséries et des publicités.
”J’ai passé mon enfance près du Mont Orford. Après avoir vécu plusieurs années à Montréal je suis revenue m’installer en Estrie. Toujours sensible à Montréal, j’y retourne régulièrement et j’y apprécie la diversité de l’offre culturelle. J’aime explorer, découvrir, apprendre, puis revenir chez moi à la campagne. Je trouve mon équilibre entre ces deux univers.
Mon quotidien est encore empreint de cette enfance passée à la campagne à vivre au rythme des saisons. Je suis dans mon élément au jardin, en forêt, ou près de l’eau à écouter le vent. Je privilégie la lenteur, le silence et le calme. Je suis une personnalité sensible pour qui la perception et le ressenti sont au coeur de mon être. Mon travail d’artiste est motivé par l’envie de transposer l’essentiel de ces émotions sur la toile ou le dessin. Pour ainsi rendre l’essence des choses dans une recherche d’harmonie et de sensibilité. Mon parcours artistique est intimement lié à cette façon de vivre.”
Françoise Euzénat
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Biographie à venir
Ida Rivard
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Préoccupée par notre mode de vie occidental, de plus en plus mondial, je réagis à la pollution médiatique des idées et idéaux et refuse la modernisation antiseptique. À l’instar de Hundertwasser qui abhorrait la ligne droite, j’estime que les matériaux laissés pour compte méritent qu’on s’y attarde, avec leurs lignes croches. Autodidacte, j’associe des matières initialement hétéroclites, qui ensemble cependant, forment un tout cohérent, tel pourrait être l’humanité dans ses relations sociales et aussi avec les mondes végétal, animal et l’immensité astrale. Voilà, c’est ça : mes assemblages et sculptures sont des hommages à la biodiversité, qui elle, n’a que faire des conventions dictées par les magnats du capitalisme.
Malgré la lourdeur de la cause qui m’anime, ou peut-être à cause d’elle, je recherche une esthétique soigneuse (sic !), qui donne envie de jouer et d’inventer. Giacometti disait : « Que ça rate, que ça réussisse, après tout c’est secondaire ». Chercher, créer, avancer et reprendre ! Je transforme donc ces objets qui abondent, jonchent et débordent dans une quête de poésie esthétique. Sans renier notre modernité et ses avantages technologiques, j’accuse l’obsolescence programmée de véritable fléau pour notre pérennité. Collectivement, il me semble que nous nous sommes éloignés de notre vitalité créatrice, que nous nous dégageons de nos responsabilités citoyennes, que nous passons peut-être à côté de notre essence. Je cherche à poursuivre autrement.
Marie-Claire Plante
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Marie-Claire Plante (Mariclair) est née à Ste-Anne-de-la-Rochelle au Québec. Dans les années 80, elle s’installe à Sherbrooke en Estrie où elle vit présentement.
Passionnée par les arts depuis l’enfance, elle explore le plus de techniques possibles : dessin, peinture, textile, mix media… Elle cumule plusieurs formations de maîtres en art visuel, privées et en groupe, avec des artistes reconnus tels que Francine Labelle, Seymour Segal, Laurent Bonet.
En 2005, un besoin viscéral de s’exprimer librement l’amène dans l’univers de l’art abstrait.
Elle ouvre son atelier professionnel et depuis produit des œuvres abstraites en grand format entre automatisme et expressionnisme abstrait.
Elle est membre du RAAV et de la Federation of Canadian Artists.
Elle est représentée par la Galerie Archambault Lavaltrie, NAK Ottawa, Galerie Perkins Danville et Singulart Web.
Récipiendaire de plusieurs prix depuis 2012, elle est citée fréquemment dans les médias locaux (TV, radio, presse).
Les œuvres font partie de collections publique et privées au Canada, États-Unis et en Europe.
DÉMARCHE ARTISTIQUE
Inspirée par les courants expressionnistes abstraits et l’automatisme, la peintre Mariclair Plante produits des œuvres vibrantes et poétiques. Libérée des contraintes, elle peint à l’écoute de son senti émotif. Son inspiration première sera son vécu et son chemin non-figuratif. Cela commande un état d’être en suspension enfin libéré des interférences. Ce que d’aucuns nomment la quête du vide. Elle arrive à cet état en méditant et en n’écoutant que le tambour de son cœur.
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C’est de là que jaillissent les correspondances en « synchronicité » avec ses gestes devenus alors à la fois les antennes et le véhicule de son univers émotif. D’ailleurs c’est le geste initial qui guidera tous les autres exprimant un grand tout, indéfini et néanmoins singulièrement présent.
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Sa mission est d’ajouter une touche de sensibilité et de bonheur au quotidien de chacun en mettant en couleurs des émotions indescriptibles avec des mots.
Yong Sook Kim-Lambert
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Peintre anadienne origine coréenne, Yong Sook Kim-Lambert (YSKL) a étudié les beaux-Arts à l’université Honk-Ik à Séoul. Elle expose à plusieurs occasions en Asie en Europe, aux États-Unis et au Canada. Ce parcours géographique a certes enriche les œuvres de l’artiste, comme en témoigne ses œuvres empreintes d’orgialité. Artiste professionnelle membres du RAAV, elle a obtenu plusieurs prix et distinctions nationales et internationales dont Artist Magazine award (AWS international Exhibition), Monarch Litho Award (NWS international show) et le Premier prix au State Museum of Pennsylvania National Art Competition décerné par Charlotta Kotik qui préside département d’art contemporain au Brooklyn Museum of Art de New York.
On se trouve ses œuvres dans plusieurs collections publiques et privées dont celle de Loto-Québec, du Musée Canadian de l’histoire, de la Chambres des communes du gouvernement du Canada et du Southern Alleghenies Museum of Art aux États-Unis.
22 juin au 2 septembre 2019
Le portrait: un art oublié
Morton Rosengarten
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Rosengarten est né à Montréal en 1933 et a obtenu son baccalauréat de l’université Sir George Williams en 1956. Il a poursuivi ses études à Londres à la St.Martin's School of Arts avec les sculpteurs Anthony Caro, Eduardo Paolozzi et Elisabeth Frink, tout en étudiant le coulage du bronze à la Central School. Il a aussi travaillé comme tailleur de pierre sur les chantiers architecturaux des sculpteurs Eric Winters et José Alberdi avant de rentrer au Québec pour ouvrir avec son ami Leonard Cohen, la Four-Penny Gallery rue Stanley à Montréal, comme lieu d’exposition d'art contemporain et de lieu de rencontre de poètes.
Aujourd’hui Rosengarten passe la plus grande partie de son temps à son atelier dans les Cantons-de-l’Est où, comme l’a écrit un critique dans Vie des Arts, il pratique son art « avec vigueur et constance ... loin des milieux officiels ». Connu comme sculpteur autant qu’un artiste du dessin d'après modèle, Rosengarten s’intéresse avant tout au corps humain et à ses représentations. Ses œuvres ont été exposées autant au Québec qu’à l’étranger, dont entre autres une exposition solo à New York à la Egan Gallery, et à Montréal à la Galerie Marlborough-Godard, alors qu’une rétrospective lui a été consacrée au Musée des Beaux-Arts de Sherbrooke en 2004.
12 octobre au 1er décembre 2019
Kittie Bruneau, artiste de la sculpture et de la peinture
Kittie Bruneau
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KITTIE BRUNEAU, PEINTRE : LA LIBERTÉ EN TOILE DE FOND
La peintre Kittie Bruneau a toujours vécu en accord avec elle-même. Et son œuvre s’est imposée contre vents et marées. Malgré la condition des femmes artistes. Portrait d’une inclassable. À Pointe-Saint-Pierre, le toit rouge de sa petite maison a le nez braqué sur la mer. Chaque été depuis 40 ans, Kittie Bruneau ouvre les yeux en scrutant le golfe du Saint-Laurent. Cette pointe « au bout de la terre », comme l’indique l’origine du mot « Gaspésie », est le lieu où Kittie Bruneau produit le plus. Une œuvre colossale et inclassable, à l’imagination débridée, souvent pleine d’humour. Traversées au cours des dernières années par un humanisme inquiet, ses toiles aux couleurs éclatantes remettent en question les déroutes de notre civilisation. Des êtres, des choses et des bêtes s’entremêlent et se superposent. Une œuvre grouillante de vie et de poésie. Bricolée avec trois fois rien, sa maison-atelier est son refuge en face du fleuve. Au moins deux mois par année, sans téléphone, ni téléviseur ni voiture. C’est là que je l’ai rencontrée. À la fin de l’été, ses toiles immenses rentrent à Montréal en camionnette; la peintre qui vient de fêter ses 71 ans se déplace, elle, en train, en bus ou avec des amis. Le reste de l’année, quand Kittie-la-nomade n’est pas en voyage, elle vit à Sainte-Adèle dans les Laurentides, dans une maison que son père a fait construire autrefois et qu’elle a dotée d’un atelier lumineux.
FAIRE À SA TÊTE
Kittie est née à Montréal en 1929 au cœur d’une famille bourgeoise. Pour mener une vie d’artiste, elle semble avoir reçu davantage l’aval de son père, John Bruneau (entrepreneur et expert-vérificateur en béton pour des projets d’envergure) que celui de sa mère (née Rouville) plus encline à respecter les règles établies. La céramiste Monique Bourbonnais se souvient très bien de son premier contact avec Kittie, alors âgée de 3 ans et des poussières. En visite avec son père à Vaudreuil, en banlieue de Montréal, Kittie refuse sec l’invitation de Monique, 6 ans, pour jouer avec elle. Papa Bruneau a expliqué : « Désolé, c’est comme ça : Kittie ne fait que ce qu’elle veut... » Par hasard, dans les années 70, les deux femmes se sont revues et sont devenues de grandes amies. « Déjà à 15 ans, je voulais aller vivre ailleurs. Changer d’air. À 18 ans, l’École des beaux-arts m’exaspérait avec ses méthodes désuètes. Les ateliers de peinture arrivaient en quatrième année après des années de dessin et de modelage... et on travaillait sans modèle vivant ! J’ai tout plaqué après deux ans et demi. ». Son cœur balance entre le ballet qu’elle étudie depuis un moment et la peinture qu’elle découvre pour de vrai grâce à Ghitta Caiserman au Montreal School of Arts. L’œuvre de Picasso la chavire. En 1950, à 21 ans, Kittie part en France se perfectionner chez Olga Préobrajenskaïa, grande danseuse étoile de l’école de Saint-Pétersbourg et réputée professeure. Kittie ne réussit pas à poursuivre en même temps des études en peinture. « Je suis revenue au Québec en 1958, avec un mari, une première fille, Anouk, et six ans de danse professionnelle dans le corps : d’abord avec les Ballets de Rouen, ensuite avec les Ballets de l’étoile de Maurice Béjart. Des conditions de vie difficiles, dix déménagements, le froid qui s’immisçait partout. » À la fin de son séjour parisien cependant, elle avait repris le pinceau et, en pleine nature, peignait des toiles inspirées de Gauguin et Van Gogh. Vêtue d’un chandail et d’un pantalon ample, la septuagénaire est restée menue, souple et solide. Son corps a conservé une touche aérienne et sa voix, des accents chantants. « Adolescente, j’ai été déchirée entre la danse et la peinture. L’idée du suicide m’a même effleurée, angoissée que j’étais à l’idée de faire le mauvais choix ! » Pour gagner sa vie après la rupture avec son mari, Jean Alibert, qui rentre en France en 1959, Kittie — qui expose déjà à Montréal des œuvres plus abstraites — travaille comme étalagiste chez Ogilvy. De vieux amis se souviennent de fabuleux châteaux de cartes en vitrine... Plus tard, on la retrouve serveuse au Mont-Royal Tennis Club et employée d’un service de nettoyage à sec. En 1965, au cours d’un voyage en Haïti avec Anouk, elle rencontre le poète Serge Gilbert, qu’elle épousera. Deux ans plus tard naît sa seconde fille Nathalie. Aujourd’hui, ses filles sont mères à leur tour : Anouk vit à Paris, Nathalie, à Calgary.
PAR AMOUR DE LA LIBERTÉ
L’amour a maintes fois pointé le nez dans la vie de Kittie. Et ses amitiés masculines semblent nombreuses. Quelle place ont occupée les hommes dans sa vie ? « Mon problème, c’est que je tombais sans arrêt amoureuse, et que tout le reste demeurait en plan ! C’est étrange à dire, mais depuis 1982 je me sens dégagée de l’emprise de la séduction, libérée de cette tension sexuelle entre les hommes et les femmes. Et je me sens tellement mieux ! », lance-t-elle en riant. Et son vieil ami le sculpteur Jean-Jacques Bourbonnais de dire : « J’ai compris un jour que l’amour d’un homme ne l’épanouissait pas ! » La céramiste Monique Bourbonnais reste admirative devant la détermination de Kittie : « Elle a été toute sa vie d’une autonomie incroyable : en marge de toute école artistique, longtemps sans galerie attitrée ni agent pour promouvoir son œuvre, vivant parfois dans une pauvreté extrême... alors qu’elle était déjà une artiste accomplie. Elle s’est toujours débrouillée, a élevé seule ses deux filles, a continué de produire et de produire encore... Par amour de liberté et d’indépendance. » Dans les années 80, les choses changent : Kittie rencontre Mitzi Bidner, d’Ottawa, passionnée par son œuvre. Elle devient son agente exclusive pendant huit ans. Ce contrat lui permet, à 50 ans, de vivre enfin de son travail et de voyager tout son soûl. Depuis 1992, c’est James Rousselle qui s’occupe de
faire rayonner son œuvre. .Au crédit de Kittie Bruneau, pas moins de 2 000 œuvres utilisant des techniques variées, pas mal de gravures, mais d’abord et avant tout des peintures, reconnaissables entre toutes : un univers figuratif riche en symboles construit à l’écart des discours esthétiques. Une vision bien personnelle des relations humaines, du rapport à la nature, des cultures en péril. Une manière d’exprimer la souffrance, la domination, l’amour aussi. Une signature singulière et fascinante. Malheureusement, pas un seul grand musée ne lui a encore consacré une rétrospective majeure. « C’est tout de même une honte, non ? », dira la céramiste Monique Bourbonnais.
UNE ÎLES POUR ENVOL
« Elle a tracé seule sa voie, installé sa démarche dans la durée et ne s’est jamais enflé la tête. C’est une force de la nature, en fait. » Le sculpteur Jean-Jacques Chapdelaine connaît Kittie depuis les années 60 quand elle s’est installée à l’île Bonaventure. C’est là qu’elle va vivre un tournant majeur et trouver sa manière de conjuguer en art figuration et expressionnisme. « Kittie a toujours été d’une authenticité rare, poursuit Chapdelaine. Et belle à voir ! Têtue, prête à en crever s’il le fallait, mais qui allait peindre à son goût. Tout un caractère ! » « Il y a des espèces d’oiseaux, comme des espèces d’humains, qui se tiennent tout le temps sur les pointes. On dirait qu’ils cherchent une ouverture sur le large. Kittie est comme ça... » La peintre Marie-Josée Tommi entrait dans l’adolescence quand Kittie Bruneau vivait sur l’île Bonaventure avec sa fille aînée Anouk. Dans un studio tout vitré, face à l’estuaire. Un bâtiment que Kittie avait construit en 1962 avec deux ou trois amis en rachetant, pour quelques centaines de dollars, le bois d’une grange. « On l’a défaite et on a numéroté chaque planche avant de les transporter à l’endroit choisi. » Jean-Jacques Chapdelaine a travaillé en 1962 à ériger cet atelier, selon lui un des plus beaux bâtiments encore debout sur l’île. Il souhaite que le gouvernement québécois, propriétaire de l’île, fasse du studio un lieu hommage à cette artiste majeure. « Je l’admirais beaucoup. Avec ma mère, Suzanne Guité (artiste et fondatrice avec son mari du Centre d’art de Percé), j’allais souvent sur l’île, se rappelle Marie-Josée Tommi. Silencieuse et détendue, Kittie faisait un peu “maya” avec sa belle chevelure noire... Elle semblait vivre avec beaucoup de liberté, en sachant ce qu’elle voulait faire de sa vie. Solitaire, elle peignait des toiles imposantes qu’elle exposait au Centre d’art de Percé, que mes parents animaient à l’époque. Après l’expropriation des gens de l’île en 1972, je n’ai pas été surprise de voir Kittie s’installer plus tard sur une autre pointe. Elle a besoin d’horizon. »
EN RETRAIT DE LA SCÈNE
L’endroit est beau à couper le souffle. Sur la grève rouge de Pointe-Saint-Pierre, on dirait de la roche volcanique sculptée par le temps et les marées; en réalité, c’est de la pierre de sable, compacte mais friable. La même matière, exactement, qui entoure l’île Bonaventure, d’où Kittie Bruneau prit son véritable envol dans les années 60. « J’y ai vécu un renouveau complet de ma peinture et de ma vie. » Elle n’en dira pas plus. Ses phrases sont brèves et elle ne les finit généralement pas. Pour remplir les pointillés, il faut suivre son regard intense comme celui d’un renard. Kittie Bruneau vous observe l’observer, mais ne cherche pas à plaire. « Kittie assume, avance et accomplit son destin. En retrait de la scène officielle, mais en accord avec elle-même. » Edwige Leblanc, animatrice culturelle dans la Baie-des-Chaleurs et artiste en arts visuels, a suivi l’œuvre de Kittie Bruneau depuis 1964. Kittie a été pour elle une sorte d’inspiratrice, son premier
contact avec l’art contemporain. « Je l’ai visitée sur l’île à 17 ans, j’ai passé avec elle quelques heures qui m’ont profondément marquée. Par la suite, j’ai suivi toutes ses expositions. Dès 64, son œuvre m’avait donné un coup au cœur. Par sa seule présence, Kittie te dit : “Fais ce que tu as à faire, le mieux possible, et va jusqu’au bout.” Je dirais qu’il y avait quelque chose de spirituel dans sa démarche artistique. Sa quête spirituelle, elle n’est pas née en Inde. Elle était là bien avant .»
CONTRE VENT ET MARÉES
De l’atelier de Pointe-Saint-Pierre, à quelques kilomètres de l’île Bonaventure, il sort chaque été des dizaines de grandes toiles et plusieurs œuvres mixtes plus petites. « Quand j’arrive ici en juin, j’éprouve encore une sorte d’urgence à produire. À l’époque où je vivais dans l’île, ça m’affolait presque de sentir tout ce qui bouillonnait à l’intérieur... » Ailleurs, elle a confié à Nicole Thérien, l’historienne de l’art qui connaît le mieux son œuvre, que le plus important, « c’est d’avoir un monde à soi, en soi, mais aussi de le changer » Mais Kittie l’artiste est restée toute sa vie modeste, déterminée et non carriériste. « À mon âge, il m’arrive de penser que je n’ai encore rien fait. Des fois, je recommencerais tout à neuf... » Puis elle dira tranquillement que les grands peintres, hommes ou femmes, sont rarissimes. « Et en art, il y a un tel effet de mode ! Vaut mieux ne pas trop s’en faire quand ça va bien (ou mal), parce que le vent finit par tourner. J’ai vu tant d’artistes déprimer, surtout des hommes, quand leur étoile a pâli... » Cela dit, elle a trimé fort pour accoucher d’elle-même, mais reste discrète là-dessus. Elle a fini de se battre. « J’ai tellement pesté contre la condition des femmes artistes. La vie des femmes en général reste encore difficile. J’ai trouvé ça formidable le projet de la Marche mondiale. J’ai senti une énergie très belle là-dedans. »
PARFUM D’ORIENT
Contre vents et marées, son œuvre s’est imposée, même si elle reste méconnue du grand public. Kittie Bruneau expose son travail régulièrement ici et ailleurs, obtient souvent l’éloge de la critique et vend aux quatre coins du pays. « À une époque à moindre prix... il fallait vivre, et j’avais mes filles. Et les œuvres d’une femme n’étaient pas autant cotées que celles d’un homme. Les choses ont tendance à changer aux États-Unis, et ici aussi, un peu. » Mais Kittie Bruneau ne vit pas dans la mystique de l’art quintessence de l’activité humaine. Son rapport à la transcendance, elle le nourrit de plusieurs manières. Par la pratique du hatha-yoga, à travers ses voyages et son amour des montagnes. En se rapprochant aussi des philosophies orientales, ce qu’elle a commencé il y a 20 ans. À la fin des années 70, elle est bouleversée par la correspondance de l’orientaliste et exploratrice française Alexandra David-Néel, première Occidentale à pénétrer jusqu’à Lhassa, en 1924, après huit mois de marche à travers les montagnes du Tibet. Kittie Bruneau fait plusieurs voyages, sac au dos, en Amérique du Sud, au Canada, sur la côte ouest américaine, en Europe et en Asie. Notamment au Népal et en Inde. Elle a visité des ashrams et y a séjourné quelques fois. Comme son inspiratrice David-Néel, elle part à la rencontre de cultures millénaires, des gens eux-mêmes et de l’esprit de certains lieux. Kittie-de-Sainte-Adèle ou de-la-Pointe-Saint-Pierre confesse se sentir aussi chez elle... au bord du Gange. J’apprendrai par d’autres qu’elle a dû se rendre en Inde au moins dix fois en quatorze ans ! Cette femme sereine ne pavoise jamais. Elle va son chemin depuis l’enfance et, à 70 ans, continue de mener calmement sa vie au bout de la route exigeante qu’elle a choisie : celle de l’art, de la peinture principalement et d’une vie intérieure satisfaisante. « Et vous savez, pour moi, cette sérénité passe par un désir d’un mieux-être physique. Ça n’a rien de cérébral ! » Elle est là devant moi, simplement et exactement. Elle parle de l’Inde où elle retournera peut-être cet hiver avec sa fille Nathalie, du guide spirituel qu’elle a rencontré il y a longtemps, de son désir de mener année après année une vie meilleure qui la rapprochera de la mort sans panique : « Prête à laisser un vieux vêtement et à en prendre un neuf, comme dit le sage... » Quand j’ai vu à ma montre que cinq heures s’étaient écoulées, j’ai rangé mes notes en vitesse, gênée d’avoir oublié le temps. Pour moi, les toiles touffues de Kittie Bruneau resteront traversées par le vent qui soufflait ce jour-là et par le regard singulier qu’elle pose sur la nature et les humains. Pour vous mettre l’eau à la bouche : Kittie Bruneau, un catalogue coproduit par les Éditions des 400 Coups et le Centre d’exposition du Vieux-Palais, en 1999. Plus d’une soixantaine de tableaux sont reproduits dans cet ouvrage qui propose une introduction à l’œuvre de l’artiste et des repères biographiques.
Arianne Émond
Article paru dans la Gazette des femmes
(Vol.22, no 4, p.30-33)
En collaboration avec la Galerie Éric Devlin
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8 décembre 2019
Projection du documentaire Farouchement Kittie (au Victoria Hall)